FN et prolétariat : «Marion Maréchal Le Pen, vous n’êtes pas de notre monde»

Lettre ouverte : L’écrivaine Sandrine-Malika Charlemagne interpelle la députée d’extrême droite au sujet de ses attaques contre Philippe Poutou et martèle que le Front national ne défendra jamais l’intérêt des travailleurs.

Le 11 avril, lors de votre meeting à Bayonne, vous avez cru bon de rappeler que Philippe Poutou ne méritait pas sa place de candidat à la présidentielle. «Comme si le prolétaire était forcément crasseux, mal rasé, mal élevé…» Ce sont vos mots, en allusion au grand débat de la présidentielle, diffusé sur BFM TV le 4 avril, rassemblant les onze candidats. Durant votre discours, vous avez fait preuve d’un des plus grands mépris vis-à-vis de nous, gens de modeste condition, nous qui savons rester dignes malgré la fatigue quotidienne et le peu de moyens dont nous disposons pour notre bien-être. La fatigue du labeur que vous n’avez sûrement jamais éprouvée, je veux parler de celui effectué dans une usine, un supermarché, une petite exploitation agricole, un hôpital…

Avez-vous seulement travaillé pour 1 100 euros ou 1 500 net par mois ? Ressenti le poids du travail si peu rémunéré ? Vous ne connaissez bien évidemment dans votre chair aucun des problèmes que nous pouvons traverser, vous nous faites croire que vous lutterez contre le système, mais vous en faites partie intégrante. Ce système dont vous savez si bien user quand ça vous arrange. Comme on dit, vous êtes «née avec une petite cuillère d’argent dans la bouche». Tant mieux pour vous. Mais de quel droit nous insulter, en qualifiant un homme, à l’image du peuple, de mal rasé, crasseux ? En quoi Philippe Poutou, vêtu d’un polo ce soir-là, et non un marcel, comme s’empressa de le signaler Luc Ferry (qui devrait revoir Un tramway nommé désiravec Marlon Brando) était-il indigne de figurer à la tribune ? En quoi sa barbe de quelques jours, ou la tenue qu’il portait, d’un style décontracté et non «débraillé», justifierait qu’on le fustige ainsi ?

Je veux exprimer ici la colère et le dégoût que je ressens, en tant que fille d’une vendeuse en lingerie à Printemps, venue de Picardie pour gagner de quoi payer son pain à Paris, et d’un cuisinier algérien, arrivé en France vers sa vingtième année, mort à 49 ans, ne profitant guère des douceurs de la vie. Aujourd’hui, ma mère, 70 ans, touche 1 200 euros par mois, en partie grâce à ses «cotisations retraite complémentaire». D’autres ont des revenus bien plus faibles. Est-ce normal de vivre et de finir ainsi son existence ? Je voudrais que les prolétaires ne se trompent pas de chemin, ne se laissent pas endormir par les paroles de votre parti. Vous n’êtes pas de notre monde, vous ne serez jamais proches de nos préoccupations, vous ne travaillerez pas pour nous, le peuple, mais bel et bien contre lui. Jamais les prolétaires n’obtiendront de votre part un quelconque soutien : du bluff, du vent, du flan…

Vous promettez dans votre programme une revalorisation de 20% sur les petites retraites, mais il est certain que si votre parti se retrouvait au pouvoir, cette proposition ne verrait jamais immédiatement le jour. Le déficit, la dette de la France seraient vos excuses pour la remettre à plus tard. Et quant à vos choix soudains sur le retour à la retraite à 60 ans ? Que faisait votre parti lors des manifestations de 2010 pour la défendre. L’entendait-on s’en prendre à la dureté du travail et soutenir les millions de gens qui vivent de peu de si peu de trop peu pour tant d’heures de leur vie vendues à autrui ? Non, le Front national restait totalement muet sur ce sujet. Aujourd’hui, vous voudriez nous faire gober un sursaut de lucidité ? Une soudaine proximité avec nous autres, issus du «petit peuple». Ne nous laissons pas tromper. Ne soyons pas si bêtes. Je vous en prie, prolétaires des villes, des villages, des hameaux : jamais le Front national ne défendra vos intérêts. Il vous trahira.

 

Sandrine-Malika Charles écrivaine, coordinatrice communication de l’Association des travailleurs maghrébins de France (ATMF).

 

 

————————

Source : http://www.liberation.fr/elections-presidentielle-legislatives-2017/2017/04/17/fn-et-proletariat-marion-marechal-le-pen-vous-n-etes-pas-de-notre-monde_1563274?xtor=rss-450M