Association des Travailleurs Maghrébins de France
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Appel définitif

COLLECTIF DES ETATS GENERAUX DES ASSOCIATIONS ISSUES DE L’IMMIGRATION ET DES QUARTIERS

(CEGIQ)

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APPEL

20 ans après la loi du 9 octobre 1981 reconnaissant le droit de libre association des « étrangers », où en est le mouvement associatif issu de l’immigration et des quartiers populaires ?

De prime abord, il est nécessaire de rappeler que ce mouvement ne commence pas en 1981. Il prend ses sources dans les mouvements populaires issus de la Commune de Paris qui ont imposé entre 1881 et 1901 l’inscription de la liberté d’expression et d’association dans la loi. Ses aspirations sont définies et affinées tout au long du XXème siècle, avec des temps forts comme la charte revendicative de « l’Etoile Nord-Africaine » de 1926 ou les actions de la FTP-MOI contre l’occupation nazie. Les luttes anticoloniales, dans l’organisation desquelles les travailleurs immigrés et leurs familles ont joué un rôle primordial (au risque de massacres comme celui du 17 octobre 1961 en plein Paris), diffusent dans la société l’exigence de dignité humaine, ici et là-bas, ainsi que l’idée du droit des peuples et des personnes à disposer d’eux-mêmes. Après les indépendances, les travailleurs immigrés se sont associés, souvent dans un cadre communautaire, pour le plein droit au séjour, contre un racisme meurtrier par trop impuni, et pour l’égalité des droits avec les Français, à l’usine comme dans les quartiers. Légalement ou non. Ce faisant, ils remettent radicalement en cause les bases du système colonial qui se perpétue dans le rapport aux populations immigrées, avec ou sans papiers.

Un patrimoine de luttes commun :
Durant les années 70, différentes nationalités se sont aussi regroupées dans le cadre de longues luttes, des sans-papiers aux résidents des foyers Sonacotra en grève. Elles ont créé des lieux de mémoire comme « La maison des travailleurs immigrés » à Paris. Antifranquistes espagnols et réfugiés portugais ont travaillé ensemble avec des ouvriers maghrébins et noirs-africains puis turcs ou kurdes, avec aussi des militants des DOM-TOM. Ils se constituent des références communes, autour par exemple du livre « Les damnés de la terre » de Franz Fanon, et font émerger une nouvelle culture immigrée. Le mouvement qui se développe alors donnera naissance à de nombreuses initiatives interculturelles, parmi lesquelles des radios libres, dont certaines émettent encore à ce jour.

La redécouverte de ces belles pages de l’histoire permet de comprendre combien elles restent d’actualité, tout comme les « Marches pour l’Egalité », les assises nationales des années 80 et les mobilisations pour la justice dans les affaires de violences policières, racistes ou sécuritaires, qui signent l’entrée des jeunes issus de l’immigration dans l’espace public, ou encore les Etats-généraux de l’immigration de 1988 qui ont donné naissance à l’association « Mémoire fertile », introduisant la notion de nouvelle citoyenneté. Dès lors, le mouvement associatif issu de l’immigration s’adresse non plus seulement à l’Etat français, mais aussi à la société civile dans son ensemble, préfigurant ainsi le débat sur de nouvelles manières de faire de la politique.

Les acquis et les limites du mouvement associatif actuel :
D’une grande diversité, tant au plan local que national, le mouvement recouvre aujourd’hui des associations communautaires ou interculturelles, des fédérations nationales ou des réseaux de quartiers, différentes communautés et générations, des primo-migrants aux petits frères et sœurs de la deuxième puis de la troisième génération, hommes et femmes. Il investit des champs d’action sociale, culturelle, économique, religieuse et politique. Il est un vecteur essentiel de la lutte pour la pleine égalité des droits entre Français et Immigrés et participe du mouvement social global en France, en Europe et dans le monde.

Pourtant, cette dynamique associative manque de lisibilité politique au niveau national, et laisse un goût d’inachevé. En l’absence de références communes et d’une stratégie d’ensemble clairement assumée, l’impression qui prévaut aujourd’hui est celle d’un grand éparpillement et d’une certaine confusion, du repli sur le local ou sur la seule défense d’intérêts sectoriels (sans-papiers, jeunes français issus de l’immigration, grands malades, chômeurs, etc…). Parfois même, un sentiment d’échec, voire d’impuissance amène des militants associatifs à « décrocher » en estimant que toute action collective publique autonome se révèle inefficace, inutile. Et cela, en dépit d’acquis considérables, dont la création de l’emblématique carte unique de dix ans en 1984, ou encore l’accès au droit de vote et d’éligibilité dans des espaces concrets de citoyenneté comme les syndicats, les comités de locataires, les associations de parents d’élèves, etc …

La situation économique des populations issues de l’immigration et des quartiers populaires a en effet globalement empiré, malgré les multiples effets d’annonce prodigués par la gauche et la droite autour de la fameuse « politique de la ville » et autres « plan Marshal pour les banlieues ». Et paradoxalement, le retour de la croissance tend, pour cette catégorie de la population aujourd’hui qualifiée de « travailleurs pauvres », à aggraver la précarisation de la situation de l’emploi, du logement social, de l’éducation, etc. En outre, les nombreuses compétences politiques ou professionnelles forgées à partir de la dynamique associative apparaissent à tort ou à raison davantage comme des cas de réussite individuelle, rarement comme un acquis d’une plus grande reconnaissance publique en nom collectif. Plus que jamais, le sentiment qu’il y a deux poids – deux mesures se renforce, y compris parmi ceux qui ont accepté de jouer le jeu de la concertation et d’une représentation « intégrée » auprès des pouvoirs publics.

Les associations face aux risques d’instrumentalisation :
Les associations ont trop souvent été instrumentalisées pour pallier les carences de l’Etat dans les quartiers et ailleurs, sans contre-parties significatives. Pire encore, chantage aux subventions aidant, il leur est plus ou moins directement fait injonction de relayer le discours officiel d’intégration et de sécurité républicaines. Malgré tous leurs compromis, les nouvelles « élites indigènes » et autres « fayots de la République » voient leurs velléités de lobbying confinées au ridicule, tandis que des institutions antiracistes françaises et des « experts » tentent de confisquer la parole et de détourner le sens même des premiers concernés, parlant publiquement en leur nom. Insidieusement, la logique « intégrationniste » a remplacé l’essence du combat politique pour l’égalité des droits.

L’idée, fondamentale, que les immigrés font partie intégrante des réalité françaises s’en retrouve ainsi pervertie : la revendication d’égalité des droits entre Français et Immigrés est phagocytée par l’idée d’égalité des droits … entre Français ! En conséquence, le discours institutionnel de lutte contre les discriminations raciales fait-il l’impasse sur la perpétuation de nombreuses discriminations d’Etat à l’encontre de immigrés « étrangers » (emplois « fermés » dans la fonction publique, double peine, droit de vote et d’éligibilité, etc). L’incitation à prendre la nationalité française, souvent invoquée comme stade ultime du parcours d’intégration, occulte le fait que la naturalisation n’est pas un droit, mais une prérogative régalienne de l’administration. La pleine égalité des droits pour les immigrés, symbolisée par l’accès aux droits politiques, reste donc bel et bien arrimée à la question de « l’intégration dans la communauté nationale » sanctionnée par l’accession à la nationalité. Et cela quand bien même l’intégration européenne impose aux Etats membres d’abandonner nombre de leurs prérogatives nationales, et de s’ouvrir aux citoyens de l’Union. Mais pour les résidents « extra-communautaires » en France, le raidissement national-républicain au tournant du XXIème siècle s’est traduit par une fin de non-recevoir du projet politique de dissocier nationalité et citoyenneté de résidence.

Le mouvement associatif issu de l’immigration et des quartiers se retrouve aujourd’hui lui-même traversé en son sein par des lignes de fractures induites par cette politique de citoyenneté discriminatoire à étages qui divise les familles, les communautés de vie ou de luttes selon que l’on soit français, européen, résident extra-communautaire, avec ou sans-papiers …

Exister, c’est exister politiquement :
Le mouvement a commencé à prendre conscience de cette situation et recherche, au-delà des formes multiples de résistance, de nouveaux moyens pour s’émanciper de la chape de plomb assimilationniste. Cela passe par une introspection sur lui-même, des ses différentes composantes, et par une ré-appropriation de sa propre histoire. Ainsi, l’octroi du droit de libre association pour les étrangers, acquis en 1981, constitue-t-il bien une avancée, partielle mais réelle. Cependant, il apparaît aussi comme un substitut à la reconnaissance des droits politiques, réitérant la logique de la période d’essai probatoire. Les populations issues de l’immigration restent ainsi soumises à un statut d’éternels mineurs, sujettes à toutes les suspicions, à une discrimination renouvelée. La gestion policière de l’immigration aidant, peu importe dès lors que beaucoup acquièrent la nationalité française. Suspicion et discriminations demeurent. A cet égard, la situation faite à l’Islam, deuxième religion de France, et aux musulmans, se passe de tout commentaire.

Dans ce contexte, la seule commémoration formelle de l’événement tendrait à faire oublier que le combat des immigrés et des Français de toutes origines, le droit de libre association et les droits d’expression culturelle et politique sont indissociablement liés. Le regretté sociologue Abdelmalek Sayad, lui-même engagé dans la lutte pour la reconnaissance des droits civiques, disait : « Exister, c’est exister politiquement ».

Exister politiquement dans la société d’aujourd’hui, c’est aussi s’engager pleinement dans les mouvements sociaux contre la précarisation généralisée résultant de la mondialisation néo-libérale, en imaginant de nouvelles formes d’articulation entre luttes spécifiques et intérêt général. Enfin, c’est participer à la volonté de refonder les pratiques politiques autour d’une nouvelle citoyenneté indivisible, active et solidaire.

Répondre aux nouvelles aspirations inter-communautaires, inter-générationnelles et inter-quartiers sur le plan national :
Il nous appartient, à la lumière des besoins actuels, de renouer avec notre patrimoine commun en nous interrogeant sur le chemin parcouru, notamment en procédant à un bilan circonstancié des expériences d’accès à la sphère politique (élus, partis, etc …) , mais aussi en procédant à un inventaire exhaustif de nos pratiques et de nos responsabilités présentes pour relancer le mouvement associatif et pour faire aboutir l’exigence d’égalité et de transformation sociale.

Cet examen collectif doit nous amener à réfléchir sur la forme associative elle-même, afin de déterminer si cette dernière répond aux besoins d’affirmation politique d’aujourd’hui, et sur notre capacité à redéfinir concrètement une stratégie commune en mesure de traduire les aspiration inter-communautaires, inter-générationnelles et inter-quartiers qui se manifestent à travers le pays. Celle-ci ne peut pas se décréter. Elle ne peut pas non plus faire l’économie de vrais débats sur nos divergences. Il est donc grand temps de discuter de stratégie commune en matière d’organisation, de communication et de représentation à l’orée des élections présidentielles et législatives de 2002 et, au-delà, de forger les outils en mesure de porter et de pérenniser une nécessaire recomposition inter-associative et politique.

C’est pourquoi nous lançons ici un appel à l’ensemble du mouvement associatif issu de l’immigration et des quartiers, pour convoquer de nouveaux Etats Généraux, les 12, 13 et 14 octobre 2001 à Strasbourg.

Membres signataires «CEGIC»:

AFG (Association Franco-Ghanéenne/Haut Rhin),
AAP (Association Amis du Pérou/Strasbourg)
ACECALCAM (Association d’Afrique Subsaharienne/Strasbourg)
ACIP (Association Culture et Identité Palestiniennes/Strasbourg),
ACLIA (Aides Culture Loisirs Intégration Animation/Douai)
ACMM (Association Culturelle Maghrébine de la Montagne-Verte/Strasbourg)
ACMN (Association Culturelle Maghrébine du Neuhof/Strasbourg)
ACMNN (Association Culturelle Musulmane/Nantes),
ACS (Association Culturelle Franco-Syrienne/Strasbourg
ACPS (Association Culturelle Portugaise/Strasbourg)
ADATMI (Association Douaisienne pour l’Accueil des Travailleurs Migrants/Douai)
ADI (Association pour le développement interculturel/Courrières)
ADT (Association Démocratie Tunisiens/Villeneuve d’Ascq)
ADT (Association Démocratie Turcs/Strasbourg)
Afrique ça nous intéresse (Strasbourg)
AEA (Association des Etudiants Algériens/Région Parisienne)
AFA (Association des Familles Algériennes/Roubaix)
AFASE (Association des Femmes Africaines de Sarcelles et des Environs/Région Parisienne)
AFM (Association Franco Maghrébine du Rhône/Villeurbanne)
AFS (Association Femmes du Sud/Nice)
AIDDA (Association Interculturelle de Documentation et de Diffusion/ Région Parisienne)
AJH (Association de Jeunes de Haguenau/Strasbourg)
AJI (Association Jeunesse Initiative/Strasbourg)
ALIFS (Association du Lien Interculturel Familial et Social/Bordeaux)
ALFA (Association Locale des Femmes Algériennes/Nantes)
ALFA (Association Locale des Femmes Actives/Villeuve d’Ascq)
AMSED (Association Migration Solidarité et Echanges pour le Développement/Strasbourg)
AMF (Association des Marocains de France/Nationale)

AMMN (Association des Mineurs Marocains du Nord et Pas de Calais/Douai)
ANAE (Association Nord-Africaine de l’Elsau/Strasbourg)
APCV (Association pour la Promotion des Cultures et Voyages/Région Parisienne
ASFA (Association de Solidarité Franco-Algérienne/Région Parisienne)
ASSAF (Villeneuve d’Ascq)
ASTTU (Association de Solidarité avec les Travailleurs de Turquie/Strasbourg)
ASDHOM (Association de Défense des Droits de l’homme au Maroc/Région Parisienne)
ATF (Association des Tunisiens de France/Nationale)
ATMF (Association des Travailleurs Maghrébins de France/Nationale)
ATNF (Association des Tunisiens du Nord de la France/Villeneuve d’Ascq)
ATTF (Association des Travailleurs de Turquie en France/Région Parisienne)
ATTM (Association des travailleurs de Turquie en Moselle)
CAMS (Coordination des Associations Musulmanes à Strasbourg)
Caribou-Africa (Lille)
Cercle des Démocrates Musulmans (Région Parisienne)
CEV Casa Espana de Vitry/Région Parisienne)
CCPF Coordination des Collectivités Portugaises de France/Nationale)
CESA Collectif d’Entraide et de Solidarité avec les Algériens/Région Parisienne)
CFAIT (Conseil de France des Associations d’Immigrés de Turquie/Nationale)
CIDIM (Centre d’Information et de Documentation sur l’Immigration et le Maghreb/Marseille)
CIE (Centre Ibérique Espagnole/Strasbourg)
CNSP(Coordination Nationale des Sans Papiers)
Collectif Afrique (Villeneuve d’Ascq)
Contact (Gardanne)
COPAF (Région Parisienne)
CRS/P (Collectif Rennais des Sans Papiers)
Crépuscules (Angers)
CSP/59 (Lille)
Cultures-Rencontres (Courrières)
Cultures du Monde (Lens)
DARNA (Région Parisienne)
Déclic (Villeneuve d’Ascq)
Droits et Devoirs des Algériens (Mulhouse)
Echanges-Rencontres (Région Parisienne)
El FOUAD (Fouquières les Lens)
Entraide France-Mali (Villeneuve d’Ascq)
Ensemble Vivre et travailler (Région Parisienne)
Eveil Meinau (Strasbourg)
Fédération des ALEVIS Nationale)
FACEEF (Fédération des Associations et centres Espagnols Emigrants/Nationale)
FAADDHED (Fédération des Associations Africaines de Défense des Droits de l’Homme pour l’Education et le Développement/Nationale)
FECOM (Fédération Comoriennes/Nationale)
FNAFA (Fédération Nationale des Associations Franco-Africaines/Nationale)
Fontenay Kongheul Solidarité (Région Parisienne)
FTCR (Fédération des Tunisiens Citoyens des deux Rives/Nationale)
GAF/Forum des Migrants (National)
IDD (Immigration, Développement et Démocratie/Nationale)
Images et Couleurs (Villeneuve d’Ascq)
Interface (Lille)
JISR (Jeunesse Intégration Solidarité Républicaine/Villeneuve d’Ascq)
Le Souffle (Région Parisienne)
Les Deux Rives Franco-Marocaines (Tourcoing)
LICEP (Ligue Cojepienne d’Education Populaire/Strasbourg)
Maison des Kurdes (Strasbourg)
Maghreb Solidarité (Strasbourg)
Maroc Espoir (Saint Nazaire)
MCTI (Mouvement Chrétien des travailleurs Italiens/Strasbourg)
Mémoire Active (Région Parisienne)
Migration co-développement Alsace (Rixheim)
MIVA-FED (Femme Tourisme culture et Education/Région Parisienne)
MSK 2000 (Collectif Lille Afrique/Lille)
Nanas-Beurs (Région Parisienne)
NEJMA (Salon)
OCEAL (Courcelles les Lens)
Repères (Libercourt)
RIFEN (Lille)
SAFFIA (Solidarité aux Femmes et Familles d’ici et d’ailleurs/Lille)
SAE (Solidarité Algérienne en Europe/Nationale)
Scouts Musulmans (Marseille)
Trait d’Union (Hérouville-Caen)
TUTTI FRUTTI Couleurs et Cultures (Villeneuve d’Ascq)
UTIT (Union des Travailleurs Immigrés Tunisiens/Région Parisienne)
UTSF/AR (Lille)
WASHMA (Solidarités et Echanges Interculturels/Nantes)
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