Emigrants africains: Rabat veut partager le fardeau avec l’Europe
dimanche 9 octobre 2005, 13h49
RABAT (AFP) – Le Maroc estime que l’Europe doit prendre ses responsabilités pour juguler le flux d’émigrants africains au moment où la communauté internationale s’émeut du sort de ces clandestins qui se jettent désespérés contre les clôtures qui les séparent de l’Eldorado.
« L’Europe ne peut pas se décharger sur le Maroc, lui-même victime de ces flux migratoires », a déclaré une source gouvernementale marocaine, au lendemain de l’appel urgent lancé par le secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan aux gouvernements pour qu’ils « recherchent les moyens d’œuvrer ensemble à une gestion plus efficace des migrations ».
Le Haut commissariat aux réfugiés de l’Onu (HCR) a entamé des discussions avec l’Espagne et le Maroc pour s’assurer que les réfugiés figurant parmi les centaines de personnes essayant de pénétrer dans Ceuta et Melilla bénéficient d’un traitement équitable. Ces deux pays ont d’ailleurs fait l’objet de critiques de la part d’ONG pour leur traitement des clandestins africains, notamment après la mort, ces dix derniers jours, d’onze d’entre eux et que plusieurs dizaines d’autres ont été blessés en tentant de pénétrer dans les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, ceinturées par des barbelés.
Jeudi, la police marocaine, qui affirme avoir agi en état de légitime défense, a tiré sur des émigrants qui s’étaient rués à l’assaut de Melilla avec l’énergie du désespoir. Six sont morts, tués par balle ou piétinés par leur camarades, lors de cet assaut avorté. Par ailleurs, Madrid semble déterminé à renvoyer vers le Maroc les immigrés qui ont réussi, après des années de tribulations à travers le continent, à s’infiltrer dans Ceuta et Melilla, confettis européens au Maroc.
Un groupe de 73 personnes qui était parvenu à pénétrer dans Melilla, a été expulsé jeudi soir via l’Espagne vers le port marocain de Tanger, en vertu d’un accord passé entre les deux pays en 1992. Un deuxième groupe d’une centaine de personnes menottées, transféré samedi par avion à Malaga, devrait connaître le même sort.
L’organisation Médecins sans frontières a annoncé avoir localisé « plus de 500 immigrants abandonnés à leur sort dans le désert du sud du Maroc après avoir été expulsés » des abords de Ceuta et Melilla. Des centaines d’émigrés africains croupissent en plein désert, sans eau, ni nourriture, souvent blessés, à la frontière maroco-algérienne, a confirmé un samedi photographe de l’AFP, qui accompagne MSF. En réaction, le porte-parole du gouvernement marocain, Nabil Benabdellah, a assuré que le Maroc « est soucieux du respect de la dignité humaine dans la lutte contre l’émigration clandestine et agit dans la stricte observation des normes internationales en vigueur ».
Une source gouvernementale marocaine a souligné que son pays « ne pouvait pas accepter tous les subsahariens dont l’Europe ne veut pas et l’Europe devrait les expulser directement vers leur pays d’origine ». Le chef de la diplomatie espagnole, Miguel Angel Moratinos, est attendu lundi au Maroc. « Nous allons discuter ensemble des moyens de résoudre un phénomène -l’immigration clandestine- qui ne concerne pas seulement Rabat et Madrid mais à la fois l’Afrique et l’Europe », a ajouté la source gouvernementale marocaine.
Le ministre de l’Intérieur marocain, Mustafa Sahel a demandé lundi à Rabat lors d’une conférence de presse une « aide substantielle, un vrai plan Marshall, pour l’Afrique subsaharienne afin de lutter contre l’immigration illégale à la source ».