Le Maroc expulse des clandestins sénégalais
lundi 10 octobre 2005, 17h14
OUJDA, Maroc (AP) – Le Maroc a commencé lundi à renvoyer par avion plusieurs centaines de clandestins sénégalais qui espéraient pouvoir passer en Europe. D’autres expulsions devraient suivre dans les prochains jours mais les autorités en appellent à l’implication de la communauté internationale, et de l’Union européenne en premier lieu.
A l’exception notable du rapatriement d’un millier de Nigériens en 2003, les autorités marocaines se contentent habituellement de relâcher les migrants dans le désert, à la frontière algérienne, bien que les organisations humanitaires dénoncent cette pratique.
L’ancien ministre français de la Santé Bernard Kouchner, co-fondateur de Médecins Sans Frontières, s’est ainsi insurgé lundi contre l’abandon de « centaines » de personnes. « Ça fait mal au coeur de penser que (…) les gens meurent en ce moment pour trouver de l’eau dans le désert », a-t-il déclaré sur Europe-1. « Médecins sans frontières les a vus. Il y a des centaines de gens qui ont été chassés et qui n’ont rien à manger. »
Lundi, un premier avion de la Royal Air Maroc transportant 140 Sénégalais a décollé d’Oujda (nord-est) pour Dakar. Des policiers marocains se trouvaient à bord pour accompagner les passagers qui n’étaient pas menottés. Certains présentaient de légères blessures, des coupures sur les bras notamment. « Nous sommes heureux de rentrer chez nous, parce qu’ici il y a beaucoup de problèmes », a déclaré à l’agence Associated Press Abdoulaye, 26 ans, avant d’embarquer. Le jeune homme a affirmé que c’était sa troisième et dernière tentative de passer en Espagne.
Un deuxième vol transportant également 140 Sénégalais devait quitter Oujda dans la soirée. Les autorités marocaines ont également l’intention d’affréter des Boeing 747 pour rapatrier 600 Maliens à Bamako et d’autres Sénégalais dans les prochains jours.
Dimanche, les autorités marocaines ont annoncé leur intention d’expulser par avion à partir de lundi « 500 à 600 ressortissants sénégalais illégaux », en accord avec l’ambassade du Sénégal à Rabat.
Les clandestins ont été arrêtés au Maroc, notamment près des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla (nord), qui ont subi ces dernières semaines les assauts répétés de migrants originaires d’Afrique sub-saharienne, désireux de gagner l’Europe pour fuir la misère. Une dizaine d’Africains ont été tués en tentant de franchir par centaines les clôtures hérissées de barbelés des deux enclaves. Le Maroc, véritable porte d’entrée vers le Vieux Continent pour tous ces candidats à l’immigration, s’en retrouve au coeur de la crise.
Cependant, souligne Mohammed Ibrahimi, haut responsable pour la région d’Oujda, « le problème de l’immigration sub-saharienne dépasse le Maroc ». « Ce qui se passe aujourd’hui devrait inquiéter la communauté internationale, à commencer par l’Union européenne. C’est un problème universel, un phénomène qui va s’amplifier », a-t-il averti.
L’Algérie voisine a exprimé le même point de vue, soulignant que l’intervention de la police était nécessaire mais non suffisante pour lutter contre le phénomène.
La coopération internationale doit trouver des solutions pour « les pays d’origine, les pays de transit et ceux qui accueillent » les immigrants, a affirmé le ministère algérien des Affaires étrangères dans un communiqué diffusé dimanche par l’agence de presse officielle APS. Le ministère a également précisé que près de 6.000 clandestins avaient été arrêtés sur le sol algérien en 2004.
Mais l’expulsion de leurs compatriotes n’empêche pas des centaines d’autres Africains de persister à vouloir entrer en Europe. La police espagnole estime ainsi que 3.000 Africains se sont regroupés dans un camp de fortune au nord-ouest de l’Algérie, tout près de la frontière avec le Maroc, attendant le moment propice pour tenter de gagner Melilla, selon l’édition de ce week-end du quotidien espagnol « El Pais ».
Le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, a souhaité lundi que la communauté internationale fasse davantage qu’empêcher les gens de passer les frontières pour résoudre les problèmes liés à la migration car « le déplacement des populations va continuer, a-t-il souligné. AP