Palement européen de Strasbourg : pour le respect des libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie
Compte rendu de l’audition au parlement européen de Strasbourg
L’Association des Travailleurs Maghrébins de France (ATMF) de Strasbourg organisait le 25 octobre 2005, en partenariat avec le groupe de la Gauche unitaire au Parlement européen une conférence sur les libertés et les droits humains en Tunisie.
L’audition, qui s’est tenue en présence de nombreux parlementaires, a été présidée par monsieur Francis Wurtz, président du groupe parlementaire européen de la Gauche unitaire (GUE/NGL), et par madame Hélène Flautre, présidente de la sous commission des droits de l’Homme au Parlement européen .
Ont été conviés à cette audition, Monsieur Mokhtar Trifi président de la Ligue Tunisienne pour la Défense des Droits de l’Homme (LTDH), madame Samia Hammouda, épouse de Maître Mohamed Abbou, avocat et défenseur des droits de l’Homme, condamné à 3 ans et demi de prison, et de madame Teresa Chopin, porte parole du comité international pour la libération des internautes de Zarzis et mère de Omar Chlendi, un des internautes condamnés dans cette affaire.
Dans son intervention, monsieur Mokhtar Trifi a brossé un tableau de la situation des droits humains en Tunisie à la lumière des derniers évènements, particulièrement la grève de la faim des dirigeants de partis et d’organisations.
Il a également signalé que toutes les associations du monde peuvent participer au Sommet Mondial sur la Société de l’Information (SMSI) en Tunisie, sauf les associations tunisiennes non reconnues par le gouvernement tunisien. Or, aucune association indépendante n’a été reconnue depuis 1989, date de la reconnaissance de l’Association Tunisienne des Femmes Démocrates (ATFD), car ni le Conseil National pour les Libertés en Tunisie (CNLT), ni l’Association Internationale de Soutien aux Prisonniers Politiques (AISPP), ni l’Association de Lutte contre la Torture en Tunisie (ALTT) ne sont reconnus.
Il a précisé que la LTDH est disposée à ouvrir un dialogue avec le gouvernement sur l’amélioration de la situation des droits humains dans le pays, mais les autorités font preuve d’un autisme total.
C’est ce même pouvoir qui a conditionné le déblocage des fonds européens destinés à la Ligue à la tenue de son Congrès national et qui a empêché la tenue de ce Congrès.
Pour conclure, maître Trifi a précisé que la lutte contre le terrorisme et contre l’immigration clandestine est utilisée pour bafouer les libertés. Elle a permis la promulgation de la loi liberticide du 10 décembre 2003 contre le terrorisme. Du coup, le pouvoir considèrent des atteintes aux droits humains comme des « dégâts collatéraux », et d’ajouter nous sommes ces dégâts collatéraux !
Pour lutter contre l’immigration, il faut donner de l’espoir et des perspectives en Tunisie pour que les Tunisiens aient envie d’y rester.
Madame Samia Abbou a évoqué les conditions d’arrestation de son époux, précisant qu’il a été kidnappé et non arrêté
Au tribunal le 16 mars, alors qu’elle avait été agressée par un policier, elle lui avait dit qu’il n’était pas normal qu’on l’agresse dans le palais de justice, et le policier de rétorquer : « la justice, va la chercher ailleurs !»
Madame Abbou a également évoqué les conséquences néfastes de la condamnation injuste et infondée de son mari sur ses enfants, particulièrement le plus petit qui ne voulait plus aller à l’école, traumatisé par le regard de ses petits camarades sur lui « la prison c’est pour les criminels ».
Elle a également raconté le calvaire qu’est la visite à son époux, l’éloignement géographique, l’impossibilité de s’entretenir tranquillement avec son mari.
Madame Helène Flautre, qui animait cette audition, a précisé que Maître Abbou a le statut de défenseur des droits humains et qu’à ce titre l’Union européenne lui doit protection au nom des lignes directrices des accords d’association qui engagent sur les défenseurs des droits humains. Elle a ajouté que les cas de Maître Abbou et des internautes de Zarzis sont des figures emblématiques des entraves à l’usage d’Internet et à l’expression libre dans ce pays à la veille du SMSI
Téresa Chopin a évoqué les conditions d’arrestation de son fils et des autres internautes, les interrogatoires pendant lesquels ils ont été torturés et les procès iniques au terme desquels ils ont été condamnés.
Elle a aussi relaté les difficultés rencontrées par les familles pour rendre visite à leurs enfants, le pouvoir ayant attribué à chaque internaute un jour de visite différent des autres pour empêcher les familles de se rencontrer et de se soutenir.
Quant aux conditions de détention, elles sont dignes du moyen âge, les détenus se trouvent entassés dans des cellules minuscules sans avoir droit ni aux soins, ni à un suivi médical : Omar Chlendi a la gale et Abdelghffar Ghiza a la tuberculose.
Pour conclure, Teresa Chopin a cité Maître Abbou qui faisait partie des avocats de la défense : « en Tunisie, on n’a pas de terroristes mais on va finir par en créer. »
Les témoignages ont été suivis par l’intervention de plusieurs parlementaires européens.
Alain Hutchinson, vice-Président de la commission Maghreb du PE, a accompagné la Délégation de la Commission qui s’est rendue à Tunis du 14 au 18 septembre dernier.
Il s’est dit « perturbé » par la situation à Tunis qu’il a qualifiée d’« intolérable » et « dramatique », déclarant que la mission n’avait pas pu recevoir qui elle voulait dans les locaux de l’UE à Tunis, et il a déclaré ne pas être fier de voir que le parti de Ben Ali est toujours membre de l’Internationale socialiste.
Il a insisté sur la nécessité de mettre la Commission européenne devant ses responsabilités face à l’article 2 des accords d’association.
Emma Bonnino a déclaré qu’il fallait soumettre une question à la Commission pour mettre en route les procédures prévues par l’article 2 des accords
Comme à l’accoutumée, le pouvoir tunisien a délégué ses agents, parmi lesquels l’avocat membre de la chambre des conseillers, Habib Achour, ainsi que des agents du consulat
tunisien à Strasbourg, l’un d’entre eux est intervenu pour défendre le point de vue du régime tunisien, il n’a suscité qu’indifférence au sein de l’assemblée.
Réunion publique à la maison des associations à Strasbourg
En soirée, l’ATMF a appelé à une conférence-débat en présence de Mokhtar Trifi, Teresa Chopin et Samia Abbou, à la maison des associations à Strasbourg.
Exaspérés par l’organisation d’une réunion publique sur les droits humains en Tunisie dans la ville de Strasbourg où les seules associations de Tunisiens existantes sont des amicales, les agents des milices du parti destourien ont dépêché une horde d’une bonne vingtaine de Tunisiens déchaînés, qui s’en ont pris aux organisateurs et aux intervenants utilisant leurs allocutions habituelles marqués par les propos insultants et orduriers.
Les organisateurs et les intervenants ont été obligés d’assurer la protection de madame Samia Abbou, particulièrement visée par l’agressivité d’une membre de ces milices.
L’agent Habib Achour était visiblement très irrité de ce que monsieur Wurtz, qui présidait l’audition au Parlement européen, ne lui avait pas donné la parole : il a répété plusieurs fois qu’on ne lui avait pas donné la parole, la consigne était bien passée aux agents qui l’accompagnaient qui n’ont pas cessé de répéter la même chose
Les organisateurs ont préféré faire évacuer la salle et tenir la réunion ailleurs dans le calme et la sérénité.