Mardi 18 octobre 2005, huit personnalités éminentes de la vie politique démocratique et de la société civile tunisienne ont entamé une grève de la faim illimitée, ultime forme de lutte pacifiste, pour revendiquer le droit aux libertés fondamentales.
Me Ahmed Néjib Chebbi Secrétaire général du Parti démocratique progressiste (PDP), Hamma Hammami, Porte-parole du Parti communiste ouvrier tunisien (PCOT), Me Abderraouf Ayadi, vice-Président du Parti du congrès pour la république (CPR), Mokhtar Yahyaoui, magistrat et Président du Centre pour l’indépendance de la justice (CIJ), Me Mohamed Nouri, Président de l’Association internationale de soutien aux prisonniers politiques (AISPP), Me Ayachi Hammami, Président du Comité de soutien de l’avocat Me Abbou et Lotfi Hajji, Président du Syndicat indépendant des journalistes tunisiens, rejoints par Me Samir Deilou, membre de l’AISPP, entament aujourd’hui leur 2ème jour de grève de la faim dans le bureau de Me Ayachi Hammami à Tunis. Ils ont été assiégés, depuis la tenue d’une conférence de presse qu’ils ont donnée hier à 10h, par un dispositif policier disproportionné qui empêche tout contact avec les grévistes. C’est ainsi que la police a violemment refoulé une délégation de trois médecins (Dr. Fethi Touzri, Dr Khelil Ezzaouia et Dr Mjid Msellemi) venus assurer une surveillance médicale d’autant plus indispensable que certains grévistes souffrent de sérieux antécédents médicaux. La police a par ailleurs agressé des délégations d’étudiants, de syndicalistes, de journalistes, des opposants politiques et des défenseurs de droits humains venues exprimer leur soutien et leur solidarité avec les grévistes de la faim. Ce n’est qu’aujourd’hui, jeudi 19 octobre à 10h, que le siège du lieu de la grève de la faim a été levé à la suite de la visite d’une délégation de l’Ambassade de Grande-Bretagne au titre de la présidence de l’Union européenne. La délégation a informé les grévistes que la Commission européenne va dépêcher rapidement un envoyé pour leur rendre visite. Rappelons aussi que les grévistes de la faim ont eu la visite du Secrétaire de l’Ambassade des États-Unis chargé des droits de l’homme.
Les huit responsables politiques et associatifs sont très déterminés ; ils revendiquent le respect de la liberté d’association, la reconnaissance de tous les partis politiques, la légalisation des associations et le respect de leur autonomie, la liberté d’expression et des médias, ainsi que la libération de tous les prisonniers politiques qui subissent depuis de longues années un véritable calvaire dans les prisons tunisiennes.
Les grévistes de la faim comptent sur le soutien de tous(tes) les militant(e)s des libertés et des droits de l’Homme, et espèrent ainsi créer une mobilisation nationale et internationale de grande ampleur afin de contraindre les autorités tunisiennes à satisfaire les aspirations des Tunisiennes et des Tunisiens à la liberté et à un Etat démocratique.
Cette grève sauvage vient dénoncer une situation inégalée de répression et d’étouffement des libertés en Tunisie, marquée par une fuite en avant sécuritaire des autorités tunisiennes. Jour après jour, les partis politiques et les forces vives de la société civile, toujours plus nombreuses (syndicalistes, universitaires, avocats, jeunesse estudiantine, magistrats et défenseurs des droits de l’Homme) se sont vu marginalisés et asphyxiés : l’Association des magistrats tunisiens (AMT) a vu son local confisqué et sa direction renversée par un putsch ; la Ligue tunisienne pour la défense des droits de l’Homme (LTDH) interdite de congrès, et le Syndicat indépendant des journalistes tunisiens (SJT) empêché de tenir son congrès constitutif ; les avocats, quant à eux, ont connu une année 2005 ponctuée de brimades et de répression.
A quelques jours du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) de l’ONU, qui se tiendra du 16 au 18 novembre à Tunis, le pouvoir tunisien persiste dans sa défiance à l’égard de tous les droits fondamentaux et des conventions internationales qu’il a ratifiées malgré les appels insistants des institutions internationales, notamment la déclaration commune des gouvernements occidentaux lue par le Canada à la clôture du Prepcom3 du SMSI tenue récemment à Genève, la déclaration à Tunis du ministre français des Affaires étrangères. En outre, les institutions onusiennes n’ont cessé de multiplier les initiatives et les actions urgentes dans le cadre de différents mécanismes, la dernière en date étant la déclaration publique du rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté d’expression. La Commissaire européenne aux Affaires extérieures et Politique européenne de voisinage a, en outre, réclamé le respect des libertés fondamentales faisant écho à l’adoption par le Parlement européen d’une motion d’urgence et à la déclaration de son président appuyée par de nombreux euro-députés-. Signalons enfin, les prises de position en faveur d’une ouverture démocratique crédible et réelle en Tunisie émanant des forces démocratiques en Tunisie, dans la région arabe, en France et dans le monde. De même, la publication de nombreux rapports de missions internationales indépendantes qui brossent un état alarmant et accablant des violations graves et systématiques des droits et des libertés en Tunisie.
Le CRLDHT condamne fermement les méthodes répressives et intolérables de la police tunisiennes ainsi que l’interdiction d’accès faite aux démocrates et médecins solidaires avec les grévistes.
Le CRLDHT assure de son soutien total et inconditionnel les huit grévistes de la faim, ainsi que tous les militants luttant pour les libertés et les droits humains en Tunisie.
Le CRLDHT a entamé avec ses partenaires, dès hier, des démarches et des initiatives pour organiser la solidarité internationale des Tunisiens de l’immigration et des ONG internationales, afin de relayer les revendications des huit grévistes de la faim et des militants tunisiens pour un état respectueux des droits humains et des libertés en Tunisie.
Le CRLDHT convie tous les partis politiques démocratiques, les élus, les médias libres et les ONG en France, en Europe et de par le monde, d’exprimer d’une voix résolue leur solidarité autour des revendications démocratiques légitimes portées par les personnalités grévistes et à manifester leur indignation devant l’escalade répressive du régime tunisien.
Fait à Paris, le 19 octobre 2005
Kamel JENDOUBI
Président du CRLDHT